Il y a vingt ans, Johan Creten présentait une performance politique et engagée - “C’est dans ma nature” – œuvre dans laquelle se mêlent la céramique, la brique et le bas-relief. Celle-ci a trouvé refuge dans une école belge pendant 8 ans. Son voyage se poursuit ensuite à la Galerie Transit, puis vers de nouvelles aventures au Musée de la Piscine à Roubaix dans le cadre d’une exposition consacrée à l’artiste de mars à mai 2022. C'est à cette occasion que la Galerie Transit publie un ensemble de trois livrets singuliers, déclinés en trois langues chères à l’artiste (anglais, français et flamand).

image
L’artiste comme pharmakon

"Creten a emprunté le titre de son œuvre C’est dans ma nature au film The Crying Game. Dans la scène présentant la parabole du Scorpion et de la Grenouille, il y a cette fameuse réplique finale de Scorpion :

A Scorpion wants to cross the river but he can’t swim
Goes to a Frog who can and asks for a ride

Frog says: I’ll give you a ride on my back...
you’ll go and sting me
Scorpion replies: it will not be in my interest to sting you
Since I’ll be on your back we’ll both drown

Frog thinks for a while and accepts the deal
Takes the Scorpion on his back, braves the waters
Halfway over feels a burning spear in his side
And realizes the Scorpion has darted him after all

And as they both sink beneath the waves
The Frog cries out: why you just sting me Mr. Scorpion
For now we both will drown
Scorpion replies: I can’t help it — IT’S IN MY NATURE

image
image

Par son action absurde et son argumentation inacceptable, Scorpion pique à deux reprises. Son aiguillon éveille des questions philosophiques colossales et fait particulièrement mal. Notre première réaction est un mélange de stupéfaction, de colère et d’incompréhension face à tant de perfidie et de lâcheté. Scorpion est un vrai imposteur.

Une preuve de plus que l’on ne doit se fier à personne jusqu’à preuve du contraire. Mais ne pourrait-on pas également appliquer à Scorpion le proverbe « Chacun s’exprime à sa manière » ? Autrement dit « Nous sommes qui nous sommes et nous faisons ce que nous faisons » ? La nature est-elle façonnable ? D’ailleurs, ne savons-nous pas par expérience que certaines natures ne sont tout simplement pas compatibles ? Où commence et où finit la culture ? Qu’est-ce que la culture ?

Lorsque, à la fin de l’émission Berg en Dal sur la chaîne de radio flamande Klara, le journaliste demande à Johan Creten quel est son credo, l’artiste répond assez étonnamment qu’il voudrait « rester fidèle au vivisecteur » :

Un vivisecteur, c’est quelqu’un qui s’adonne à l’acte le plus cruel qui soit, mais avec l’idée de faire le bien. Le vivisecteur est peut-être aussi une sorte de métaphore de l’artiste. En tant qu’artiste, je dois couper dans ma propre chair — mais aussi dans le monde qui m’entoure — pour voir comment ça fonctionne.


image
image

Avec son aiguillon, Scorpion coupe dans la chair de Grenouille. Il est donc bel et bien vivisecteur : il incise littéralement un animal vivant (de : vivus, vivant et sectio, couper). Pourtant, Scorpion commet là un meurtre ; plutôt qu’un vivisecteur, c’est un simple meurtrier. La vivisection signifie en effet, depuis le 19e siècle, « faire des expériences sur des animaux vivants à des fins scientifiques » et, au figuré, « commettre un acte de cruauté extrême au service du bien ».

Dans son œuvre pour Aulnay-sous-Bois, Johan Creten coupe dans sa propre chair et dans le monde qui l’entoure pour voir « comment cela fonctionne ». Il dissèque notre milieu naturel et sociétal, prend le pouls du temps et nous susurre à l’oreille qu’il ne tourne (plus) rond, que le tissu social a dépéri, que la nature est en voie d’extinction, qu’il nous appartient, forts de cette information, d’agir de toute urgence (ou de nous en abstenir). Au risque de couler, comme une brique."

"C’est dans ma nature" - Texte de Barbara De Coninck, Anvers, le 3 juin 2021

image
image
image

N’hésitez pas à contacter le Creten Studio si vous avez des questions ou si vous avez besoin d’informations supplémentaires

Contact