Sous le commissariat de Noëlle Tissier, directrice du CRAC, cette exposition d’envergure a permis de réunir un ensemble de plus de 60 oeuvres. L’exposition “La Traversée / The Crossing” de Johan Creten propose un voyage initiatique à travers des créations qui illustrent le mystère de la nature où fleurs et algues se confrontent à un bestiaire étrange et fascinant, élevant la beauté au rang de force salvatrice. L’exposition présente des sculptures exceptionnelles dont certaines ont été réalisées avec la Manufacture Nationale de Sèvres, illustrant le génie et la passion de l’artiste pour la céramique et le bronze.
“La langue française range le mot « traversée » dans le genre féminin, comme pour contre- dire les idées reçues qui verraient en elle un voyage prosaïquement viril, un défi pour des hommes intrépides.
Non, la traversée, c’est le territoire du féminin et de la mère, c’est l’excursion vers les origines, vers le sein, vers les racines foncières. Ce n’est pas la mâle transpiration, c’est l’Odore di Femmina (1991). Ce n’est pas une bravade ni une péripétie, c’est une quête mélancolique, celle d’un pays perdu. Le suffixe « ée », qui redouble la même voyelle et affermit la terminaison femelle, rapproche la traversée de la virée, de l’épopée, de l’odyssée. Féminines, les traversées sont belles comme les enjambées et folles comme les équipées, elles sentent l’entrain et l’entraide, elles participent de l’histoire collective, contre l’exploit individuel, contre le périple solitaire.
Les Boat-people du Vietnam, les barques solaires des Égyptiens, les corsaires de Saint-Malo, les Chevaux de Troie (1992–1993) : tous ont fait une traversée, d’un endroit à un autre, avec un espoir secret, celui non pas de découvrir – ce ne sont pas des aventuriers bombant le torse – mais de dénouer – leur vie, leur histoire. Comme le font les louves, les lionnes et les mantes religieuses, les chiennes et les chattes, toutes les vestales capables de multiplier les traversées, au risque de se dépouiller, de devenir dépouille.”